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Comprendre et découvrir Bluesky

Publié le 27 novembre 2024

Nous avions déjà observé un séisme similaire il y a deux ans, lorsque Elon Musk avait pris la tête de Twitter, bouleversant son organisation interne, transformant ce réseau social en outil de propagande d’extrême droite et provoquant ainsi une migration massive de nombreux internautes vers des réseaux du Fediverse. Aujourd’hui, c’est au tour du réseau social Bluesky de connaître une spectaculaire hausse des inscriptions, notamment ces dernières semaines suite à la réélection de Donald Trump. Sur un total de 22 millions d’utilisateurs, 9 millions se sont inscrits en seulement trois mois. Face à cette montée en puissance, nous vous proposons dans cet article, de découvrir ce qu’est Bluesky, qui est à l’origine de ce projet et ce qui se cache sous le capot de ce réseau social qui semble, à première vue, décentralisé.

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L’origine de Bluesky

Le premier “Proof Of Concept” de Bluesky a été initié en 2019 par une équipe de recherche et développement chez Twitter, sous la direction de Jack Dorsey, cofondateur et alors CEO du réseau social. Présentée à l’époque comme “une norme ouverte et décentralisée pour les médias sociaux”, cette initiative, qui devait initialement s’intégrer à Twitter, devient une société indépendante en 2021. Rapidement, la plateforme enregistre un grand nombre d’inscriptions à sa version bêta, accessible uniquement sur invitation. Bluesky ouvre finalement ses portes au grand public en février 2024. En mai de la même année, la société annonce le départ de Jack Dorsey de son conseil d’administration. Quelques jours plus tard, ce dernier explique sa décision, affirmant que Bluesky “reproduisait les mêmes erreurs que Twitter à son époque”.

Côté UX, avec ses messages limités à 300 caractères, son système de likes, la disponibilité des hashtags et la possibilité de créer ses propres fils d’actualité, Bluesky rappelle à s’y méprendre l’autre réseau de son père fondateur. Il offre, pour l’instant, une expérience rafraîchissante, évoquant le Twitter du début des années 2010. Un contraste saisissant avec les affrontements souvent virulents qui caractérisent d’autres réseaux sociaux aujourd’hui. Bluesky se distingue aussi par son absence actuelle de publicité, son absence d’algorithme (en dehors de l’onglet Discover) ou la présence d’outils de modération communautaires. Du côté des inscrits, Bluesky est encore loin de rivaliser avec son principal concurrent : on dénombre actuellement 260 millions d’utilisateurs actifs pour X (ex-Twitter), contre 22 millions pour Bluesky et environ 3 millions sur Mastodon. Ce chiffre, en constante augmentation, peut d’ailleurs être suivi en temps réel grâce à un compteur.

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Bluesky appartient-il au Fediverse ?

Contrairement à Mastodon et à d’autres réseaux décentralisés, Bluesky n’appartient pas au Fediverse. Le Fediverse, pour rappel, désigne un réseau décentralisé composé de serveurs indépendants, utilisant des logiciels variés capables de communiquer entre eux grâce au protocole ActivityPub. Ce fonctionnement garantit l’interopérabilité entre différentes plateformes indépendantes (Mastodon, Threads de Meta, PeerTube, Pixelfed, etc.). Ce protocole, basé sur l’architecture Message Passing, représente aujourd'hui l'approche la plus décentralisée grâce à son fonctionnement basé sur la fédération.

Bluesky, de son côté, utilise son propre protocole, AT Protocol (Authenticated Transfer Protocol), qui repose sur une idée très différente de ActivityPub : plutôt que l’ensemble des réseaux, on décentralise la gestion des comptes, les algorithmes, les outils de modération, et on centralise au contraire le service. On parle alors d'architecture shared heap. La décentralisation de Bluesky est donc toute relative, certains diront même inexistante, car il n’est pas possible d’accéder aux données publiées sur Bluesky sans passer par le point d’accès unique fourni par l'entreprise. 

Bien qu'avec Bluesky on  soit loin des solutions entièrement décentralisées comme le Fediverse, et encore plus des systèmes distribués comme le peer-to-peer (P2P), Bluesky se positionne davantage comme une alternative open source à X, qui permet de décentraliser le stockage des données. La plupart des autres services restent centralisés pour offrir une UX proche de X, facilitant ainsi la migration des utilisateurs. La gestion de l'identité, entièrement centralisée, constitue actuellement le principal point faible. De plus, des fonctionnalités comme l'agrégation des messages, la création des flux ou la recherche dépendent là encore d'une architecture centralisée. 

Bluesky est effectivement plus ouvert que X (le dépôt du client se trouve sur GitHub, de plus il est possible d'héberger sa propre instance instance d'identité (PDS) — instance basée sur le serveur web Caddy que nous sponsorisons chez Les-Tilleuls.coop), mais son fonctionnement actuel et son manque d'interopérabilité l'empêchent d'être véritablement considéré comme décentralisé, et encore moins comme un système fédéré ou distribué.

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Gouvernance

Le protocole ActivityPub, qui propulse le Fediverse, est un standard du Web publié par le W3C. Le W3C est un organisme de standardisation international qui regroupe 357 universités et entreprises et de nombreux développeurs indépendants.

Il standardise également d’autres technologies au cœur du Web comme HTML (le format des pages web, développé en collaboration avec le WHATWG, un autre organisme de standardisation), CSS (qui permet de mettre en forme les pages web), ou encore RDF (technologie de description et d’échange de données structurées sur laquelle repose ActivityPub).

Du côté du AT Protocol de Bluesky, c’est cette seule entreprise qui a la main mise dessus. Contrairement à ActivityPub, rien n’empêche Bluesky de faire évoluer AT comme bon lui semble, même si c’est au détriment de la communauté des utilisateurs et des développeurs du réseau.

Bluesky vient d’ailleurs de réaliser une levée de fonds qui peut inquiéter : le plus gros investisseur n’est autre que Blockchain Capital, un fond d’investissement spécialisé dans les crypto-monnaies dont l’un des fondateurs, Brock Pierce, est un proche de Steve Bannon. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le personnage, Bannon est un membre éminent de l’extrême droite américaine. Il a également été au cœur du tristement célèbre scandale Cambridge Analytica : l’équipe de Trump avait utilisé les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook captées illégalement.

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Prendre ses marques sur Bluesky

Même si la création d’un compte sur Bluesky est très simple, récupérer son réseau et sa communauté peut s’avérer beaucoup plus complexe. Repartir de zéro après avoir bâti un réseau et une communauté ailleurs pendant des années peut être un véritable défi. Deux solutions tirent leur épingle du jeu actuellement : 

  • Twitter to Bluesky, qui peut importer l’intégralité de vos tweets vers votre compte Bluesky avec l’aide de quelques commandes Node.js.  
  • Sky followers bridge, une extension qui va analyser vos abonnements et détecter les profils pertinents à suivre selon vos abonnements sur X.

Vous pouvez également consulter les kits de démarrage (starter kits) mis à disposition des autres membres pour trouver des personnes à suivre, ou même vous abonner à des flux d’actualité dédiés à des thématiques qui vous intéressent. Nous en avons créé quatre pour faciliter votre veille technologique : 

En plus de nous suivre, vous pouvez aussi vous abonner à API Platform pour ne manquer aucune information concernant notre framework. Nous restons aussi présents sur Mastodon, sur X, sur Linkedin, mais aussi sur Instagram. Enfin, si vous souhaitez être accompagné·e dans la gestion et l’hébergement de vos instances, notre pôle SRE, en collaboration avec notre équipe de développement, reste à votre disposition pour tous vos besoins d’infra. 

Les-Tilleuls.coop

Mots-clésActivity Pub, AT Protocol, Bluesky, Fediverse

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